Quand nous étions petites et que nous insistions, Maman finissait souvent par céder :
— Bon, écoutez, ça suffit. On croirait deux taons (et moi je pensais toujours qu’elle allait ajouter trois mouvements). D’accord, d’accord, d’accord, et puis finissons-en. Vous pouvez prendre un franc dans mon porte-monnaie.
Un franc, c’était déjà une somme pour aller s’acheter des Carambar ou un Aggie chez le petit monsieur de la librairie-papeterie de la rue Madeleine-Michelis.
Qui se rappelle aujourd’hui ce qu’était un Aggie ?
Et les Lili ?
Mais jamais, jamais de Malabar ni de Pif Gadget.
Ah ça, les Malabar et Pif Gadget étaient aaabsolument interdits de séjour à la maison.
Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
Et nous de nous exclamer :
— Oh, meeerci Maman ! Et… il est où, ton porte-monnaie ?
— Eh bien, voyons, dans mon sac, évidemment !
— Et… il est où, ton sac ?
Il faut à ce stade préciser que le sac de Maman pouvait se trouver à peu près n’importe où dans l’appartement, mais rarement deux fois de suite au même endroit.
Et la réponse fusait immanquablement :
— Eh bien… autour de mon porte-monnaie, évidemment !
Chez moi, maintenant que c’est moi qui décide, c’est « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place », comme on dit dans la Marine.
Encore heureux, sinon comment m’y retrouverais-je ?
Parce que moi, attention, je vous préviens tout de suite : je ne suuupporte pas qu’on touche à mes affaires et j’ai une sainte horreur des changements – surtout de dernière minute et à la va-comme-je-te-pousse… Oh, dites, eh, ça va, poussez pas, derrière !
Je crois savoir pourquoi.
Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.