Il est de ces choses dont on ne parle pas

Il est de ces choses dont on ne parle pas

Et que je te tâte et que je te pince et que je te patasse et que je te tripatouille et que je t’intronicule…

— Ne bougez pas, je vous prie.

Bouger ?

Non mais ! Elle ne bouge pas, enfin ! Pourquoi dit-il cela ? Elle s’applique à ne pas même tressaillir. Un exploit d’ailleurs quand si souvent on lui reproche de beaucoup trop gigoter. Elle reste inerte, offerte – tu parles d’un cadeau. Rôti lardé pas encore enfourné, elle respire, tâche de ne pas expirer, le piquant de la situation l’inspire.

Alors elle se concentre sur ses sensations. Elle en fera peut-être un papier. À sensation, quelle question.

Ses sensations ?

Passive, elle est pensive et se dit qu’en termes de sensations elle connaît beaucoup plus agréable. D’autres n’ont pas cette chance, les pauvres.

Tout cela in petto, en elle-même et dans son for particulièrement intérieur car ces sensations qui in situ s’imposent à son esprit – enfin, quand elle mentionne l’esprit, c’est simplement ou plutôt complexement pour tenter d’en faire preuve dans ces moments pénibles et ces perpétuels jaillissements d’idées en tiroirs imbriquées la surprennent et l’épuisent et la laissent exsangue, c’est comme si au bout du tournant on l’attendait, comme si sa vie en dépendait… et justement, justement, enfin bref… – ces sensations, vraiment sensationnelles, ses sensations à elle, font partie de celles qu’il serait parfaitement déplacé, bienséance et réserve de bon aloi obligent, d’en ces circonstances exprimer.

Il est de ces choses dont on ne parle pas. Alors elle n’en parle pas. Non, pas précisément.

Verdict ?

Game over, espère-t-elle. Attention, soulignons le jeu de mot hilarant compte tenu de ce qui nous occupe ici. C’est curieux quand même, cette propension à rigoler même dans les moments qui s’y prêtent le moins.

Mais non, même pas :

— Pas d’évolution, on se revoit dans un an, chère madame.

Perspective enchanteresse, s’il en est.

Les roses au sortir du cabinet médical ont la couleur des oranges sanguines.

~ Septembre 2016

[Crédit photos : Laure Chevalier Sommervogel]

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