Toucher de gros ventre

Toucher de gros ventre

Il faut bien le reconnaître, les gens adorent palper le ventre d’une femme enceinte.
Pensent-ils que cela porte chance, comme on se doit de titiller le pompon d’un gars de la Marine ? Est-ce cette vie mystérieuse qui se développe in utero qui suscite cette fascination ?

J’ai deux-trois souvenirs comme ça, très… prégnants – c’est le cas de le dire. Je les ai compilés. Je raconte les anecdotes plaisantes et j’en rigole. Parce que les déplaisantes, pas si anecdotiques, je le ferai peut-être un jour mais pas tout de suite. Pour beaucoup de mes souvenirs, c’est le plus souvent sur le positif que je me concentre. Je préfère. C’est une forme de compensation. Ce peut être tactique d’éviter le mélodramatique, l’émosillon qui laboure encore et toujours.

Mais revenons à notre thématique-tac toc du jour : le tactile contact décontracté !

☀️

À la toute fin de la grossesse de mon aîné, ça pointait ! Comme on dit élégamment, j’étais enceinte jusqu’aux dents…

Un jour dans la rue, je croise Monsieur Hermoso, cet artisan-maçon que je n’avais pas vu depuis un petit moment. Il était intervenu plusieurs fois chez mes parents, chez nous aussi, pour différents chantiers – il savait tout faire, c’t’homme-là. Absolument charmant. Tous dans la famille nous appréciions parce qu’il était franc, direct, sympa. Et puis marrant au possible, en plus, ce qui ne gâche rien.
Il avait quoi, une petite dizaine d’années de plus que moi ? Oh, même pas. C’est difficile d’évaluer l’âge des gens, j’ai toujours trouvé ça compliqué. C’est une question qui m’intéresse vivement, mais jamais je n’ose la poser… ça ne se fait pas, il paraît.
Enfin bref.

Le voilà qui s’arrête sur le trottoir pour nous regarder arriver, mon gros ventre et moi. Avec un immense sourire, à pleines pognes, doigts écartés, il me l’attrape, mais carrément par le dessous, comme pour le soupeser. Ce qu’il fait d’ailleurs, et il s’exclame :

— Oh, mais Madameuh Som-euh*, qu’est-ceuh queuh vous nous préparez-là commeuh ssssplennnndeur ? Vous êteuh com’un ssssoleileuh qui rayonneuh !

Bon, eh bien j’avoue que malgré le contact presque intime – moi quand on m’approche de trop près, j’ai plutôt tendance à détaler – ça m’avait fait vraiment très  plaisir et je n’avais pas été gênée du tout.

En revanche, alors que j’attendais mon deuxième fils, lors d’un très beau mariage du côté de ma belle-famille, j’avais été présentée à une tripotée de cousins de mon namoureux que je ne connaissais pas encore (les cousins, pas mon namoureux, vous suivez un peu ?), ce qui déjà, en soi, est un peu impressionnant – en tout cas pour moi à l’époque ça l’était. Et je précise tout de suite, c’est important, qu’eux aussi sont francs, directs, sympa et marrants comme tout. Et touuuut ce qu’il y a de bien élevés !
L’un d’eux se détache du groupe pour s’avancer vers moi. Exactement de la même façon que M. Hermoso, il m’attrape le ventre à pleines mains et commence à me le malaxer avec ce commentaire :

— Mais dis donc, toi, on dirait bien que tu es en train de nous préparer une merveille, tu es rayonnante !

C’est drôle parce que c’était pratiquement du copié-collé, comme situation, non ?

Or, curieusement, moi j’ai été horriblement, mais affreusement, terriblement, excessivement gênée. J’ai dû avoir un mouvement de recul, tous se sont mis à rigoler.
Je ne sais plus même dans quel sens ni dans quel ordre cela s’est fait.
Dans une sorte de brouhaha, j’ai entendu les uns qui disaient à mon namoureux :

— Bravo, bel effort !

… et les autres qui disaient au cousin en question :

— Ah toi, décidément, dès qu’il s’agit de tâter, et une jolie femme tant qu’à faire !

Et tous qui riaient, riaient…
Et moi qui étais gênée, gênée…

Voilà que sa femme me dit :

— Ne t’inquiète pas ! Tu sais, il est gynéco-obstétricien alors dès qu’il voit une femme enceinte, on ne le retient plus !

Et tous de s’esclaffer.
Et moi, et moi, je ne savais plus où me mettre.

Je continue à me demander pourquoi j’avais été à ce point gênée dans ce contexte-là, et pas du tout dans le premier.
Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.

Mon troisième fils, je l’ai attendu à la campagne. J’étais bien tranquille. Et si on m’a tripoté le ventre à cette occasion sans se préoccuper de mon avis – oh, ça s’est très certainement produit – peut-être avais-je fini par m’y habituer, quoi qu’il en soit je n’en ai pas conservé le souvenir.

Moi aussi, je le reconnais, quand je vois une femme enceinte, j’ai une irrépressible envie de poser ma main sur son ventre.
Mais je commence toujours par lui demander si elle veut bien et, si je la sens un tant soit peu réticente, je m’abstiens.
Et je comprends très bien qu’un homme puisse de la même façon avoir envie de toucher le ventre d’une femme enceinte.
M’enfin tout de même, la moindre des choses, c’est de demander la permission.

C’est vrai, quoi, on n’est pas des « pompon » girls, non plus.


* Oui, Sommervogel n’est pas un nom facile à prononcer convenablement : à l’alsacienne mais pas à l’allemande ni à la normande.
Du coup, dire Som’ ça va aussi vite.
Pas d’erreur possible.
Sinon ça donne régulièrement du Madame Sommer-vos-gueules, Sommervogelle, Sommer-euh-fauquejleveule… bref, n’importe quoi !
So-maire-faugle, ça n’est tout de même pas si compliqué ?
Faut croire que si.

Bon, et puis pour ceux que ça intéresse, Sommervogel signifie papillon en vieil alsacien, et non oiseau d’été comme tous ceux qui n’ont pas fait espagnol deuxième langue le pensent.

Août 2018

[Crédit photo : Pixabay]

4 réflexions sur “Toucher de gros ventre

    • Oh, merci ! Oui, c’est bien oiseau d’été en allemand, mais en vieux patois alsacien, notre nom signifie… papillon !
      Ah, les papillons et moi, c’est une histoire qui dure depuis bien plus longtemps encore… alors c’est très drôle, cette synchronicité-là, une de plus, ou surprenant, mais moi je trouve surtout cela très amusant !

      Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s