Mangue de peau…
Mon namoureux revient du marché, pose sur la table le panier d’osier. Celui avec une anse plate qu’on peut ranger dans le coffre des voitures, ce gros panier qui nous vient de chez ses parents.
Le panier est lourd. Mon namoureux est essoufflé d’avoir monté l’escalier. Je t’ai fait un sacré plein de fruits ! annonce-t-il fièrement.
Je me charge de les ranger.
Des pommes, tout plein de pommes. Des poires. Des bananes bien sûr. Il y a des prunes aussi. Et… oh… deux mangues superbes aux couleurs prononcées. Mais… aïe… elles sont dures, dures comme du bois.
Moi : Mon cœur, puis-je me permettre une remarque, anodine s’il en est, sur la façon dont on choisit les mangues ?
Lui : Hmm ? (… mon namoureux parle couramment le hmm.)
Moi : Il faut les tâter. Y mettre de la volupté. Une mangue à point a l’élasticité d’un sein de jeune-fille.
Lui (avec une très légère nuance de nostalgie dans la voix) : Oh, moi, tu sais, ça fait bien longtemps que je n’ai pas tâté un sein de jeune-fille.
Moi : …
Silence et réflexion intense. Comment suis-je exactement sensée – ou plutôt censée ? – oui, censée le prendre ?
Les mains sur les hanches, sourcil froncé et fossette creusée, ou l’inverse, je me tourne vers lui.
Il est là, à guetter ma réaction.
Tous ces petits plis qui entourent ses yeux – oh non, ce ne sont pas des rides, il les avait à vingt ans et nos fils ont les mêmes – ces petits plis d’amour que j’aime tant lui font l’œil brillant. Brillant et malicieux.
Lui : Hmm… Oui, ma chérie ? Tu as quelque-chose à ajouter ?
Moi : …
Eh bien non, je ne dirai rien.
Je n’en pense pas moins et n’irai pas m’en plaindre. Sur ce plan-là, c’est certain, d’être rassurée je n’ai nul besoin.
Et les mangues ?
Oh, les mangues… en une semaine elles étaient mûres. Elles.
Janvier 2011
[Crédits photos : Pixabay]