Évoluante galanterie
C’est quoi, la galanterie ?
Vestige poussiéreux d’une époque défunte ?
Particularité propre à l’éducation ?
Acceptons la discussion et déclinons le concept.
Mais… on l’accepte ou on le décline ?
Non pardon, je n’ai rien dit, poursuivons.
Sorry. Oui, j’aimerais poursuivre tranquillement. Le fil de mes idées. Alors toi, là-haut, tu te tais. Hhhan, mais comment je me parle !! Oui, voilà comment je nous parle, à nous, là-haut, dans ma tête ; ici, dans mon coeur ; et même ailleurs, d’ailleurs. Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
La galanterie, mon père fut le premier qui m’y habitua, et de cette habitude on ne se défait pas.
Il disait :
— L’homme, devant la femme, se doit de s’effacer et toujours avant lui de la laisser passer. Sauf, attention, en montant l’escalier, pour éviter les coups d’œil que l’on dit déplacés – je préfère pour ma part le terme intéressé. Idem, à l’entrée d’un restaurant, d’un café, l’homme passe devant, pour s’assurer que l’endroit est bien famé. Ensuite, en lui tenant la porte, il l’invite à s’avancer… féminine et divine ! précisait-il avec un coup d’œil entendu vers Maman qui levait les yeux au ciel tout en opinant et en esquissant un sourire d’acquiescement.
(Note : vous vous essaierez, si cela vous amuse, à cette triple mimique qui requiert une évidente coordination faciale.)
Papa était très amoureux de sa femme dont la beauté et l’allure l’avaient au premier regard séduit – son très vif sens de la repartie, lui aussi.
Très souvent, car il y trouvait du plaisir, il nous racontait qu’un soir, dans un grand restaurant parisien, à leur entrée les conversations s’étaient arrêtées ; et Maman, sans ciller, dans un silence absolu, avait traversé la salle, précédée du chef de rang qui la conduisait vers leur table.
— Ce port de tête, oh, mes filles, vous auriez vu ça… Une princesse… Une déesse…
— Et toi, Papa, tu étais content ?
— (clin d’œil complice) Tu penses ! J’étais fier comme Artaban !
Mais c’est une autre histoire, toute leur histoire en fait.
De nos jours, la galanterie se perd, dit-on. D’un côté on le regrette, on s’en offense. De l’autre on la jette aux orties.
Les jeunes femmes revendiquent un pied d’égalité. Rien n’est jamais acquis et tout peut s’acquérir. C’est en cours, je crois. Enfin… j’y crois.
On s’adapte, souvent au cas par cas, signalent ces messieurs, si las parfois de ces contradictions.
Progression pour les uns, régression pour les autres.
Contre-indication ? Contre-réaction.
Évolution.
Mais oui, évoluons, avec souplesse dans tous les cas de figure, de style, imposée ou libre !
Se voir tenir la porte, c’est presque inattendu, pourtant très loin, très loin d’être incongru. Car, sur un sourire, oh, à peine esquissé, la fossette creusée, l’œil un rien allumé, le mouvement de tête si peu inclinée semble bien vouloir dire :
— Je vous en prie, c‘est à vous de passer.
Et moi, émoi, à chaque fois, je l’avoue, je jubile !
Le respect exprimé, la politesse exquise, c‘est un tout petit jeu qui pourtant me permet parmi mon entourage de déterminer ceux qui sont, ceux qui restent… eh oui : bien élevés.
Levers z’immédiats de boucliers z’indignés, huées z’exaspérées… mais oui, allons, du calme, je m’y attendais, vous savez.
Et si, plutôt que bien élevé, nous disions attentionné ?
Et si, plutôt qu’à l’éducation, bonne ou mauvaise ou plus souvent absente, nous rattachions cette attitude à un état d’esprit ?
Et si ni le genre des personnes concernées ni leur âge n’entrait en considération ?
Alors la galanterie, la courtoisie, le respect, l’éducation, la politesse, les bonnes manières, le savoir-vivre (ensemble), quel que soit le nom qu’on lui donne, cet état d’esprit et de cœur ne serait finalement que l’attention portée à l’autre.
Ce concept – inouï de modernité, on le conçoit bien – mettrait-il enfin tout le monde d’accord ?
— L’attention à l’autre portée ? s’écrie mon tendre aimé que parfois je consulte avant que de poster, oh mais je l’apprécie, ce n’est pas un souci. D’ailleurs viens donc ici me porter sans tarder un peu d’attention, puisqu’ainsi qu’on le dit, le premier arrivé sera premier servi !
En toute logique, et il m’arrive de l’être en certaines circonstances, mon tour est donc venu… de me montrer galante.
~ Avril 2018
[Illustration : Duncan, La Galanterie, 1890]