Jean mythique et autres souvenirs…

Jean mythique et autres souvenirs …

Le Levi’s 501 entre dans notre famille au beau milieu des seventies et sur les fesses de ma sœur.
Elle est tout en jambes et ces jeans-là lui vont bien. Vraiment très bien. J’admire et j’envie le look qu’ils lui donnent.

Ils ont aussi un côté pratique indéniable : moins on les lave, mieux ils se portent – dans tous les sens du terme. Mais si toi t’es propre, où est le problème ?

C’est la pleine époque des manteaux afghans. Guillemette en a un. Il sent la chèvre.
Pour cette seule raison je refuse qu’à moi aussi on en offre un. Je ne saurais à ce point sacrifier à la mode.

Guillemette aime les fragrances orientales.
Au hasard de nos balades, bien que ce soit plus vraisemblablement à une de ses copines de pension qu’elle doive cette adresse, nous avons dégotté derrière Saint-Sulpice une toute petite boutique de style indien qui propose des merveilles. Cette caverne d’Ali Baba est située, si mes souvenirs sont bons, rue de Mézières, juste en face de La Procure. Oui, j’en suis presque sûre.
Presque.

Que voulez-vous, ma mémémoire est d’une précision plutôt exce les motsptionnelle pour ce qui touche aux sentiments, aux émotions – les mots-sillons –, mais je n’ai pas non plus touuuuut conservé dans mes circuits neuronaux. Je ne suis pas un ordinateur. Ces questions de mémoire particulière, c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
Bref (j’adore ce mot).

Dans cet antre parfumé, pendant des années nous nous approvisionnons, elle en huile à l’opoponax, moi à la tubéreuse. Des flacons minuscules, en métal gris, dotés d’une étiquette dactylographiée portant le nom de l’huile et aucune autre indication, ni de provenance ni de composition. Le bouchon de liège, gros comme l’ongle du petit doigt, nous sert à effleurer, oh à peine, l’arrière du lobe de nos oreilles et c’est très largement suffisant pour qu’émane de nous cet effluve particulier qui, chacune, nous caractérise…

L’originalité de ces noms-là bien sûr nous enchante et sont la source d’un de nos fous-rires si fréquents le jour où je déclame à Guillemette :

— « Mystérieuse opoponax et vénéneuse tubéreuse », voilà qui ferait le titre d’un bon polar, non ?

— Oh oui ! Et tu l’écriras ! Tu l’écriras, ce roman !

~•~

C’est à ma soeur que j’ai raconté mes tout premiers contes ; sans compter, je l’ai déjà raconté. À elle je confiais mes réflexions, mes suppositions, mes inventions, mes extravagapolations. Puis, plus tard encore, sur un mot, une remarque, je repartais sur tel ou tel de nos nombreux souvenirs communs, ceux qu’elle aimait que j’évoque ; le rappel d’une anecdote en amenant une kyrielle d’autres.

Aujourd’hui quand j’écris, c’est implicitement à elle que je m’adresse. Je sais qu’elle m’entend et qu’elle rigole. Oui, elle rigole, la tête rejetée en arrière, de son rire clair et joyeux. Et, quand mes souvenirs se teintent de nostalgie, ses yeux d’un bleu émouvant brillent d’affection ; de tristesse jamais car, là où elle vit maintenant, ce sentiment n’a plus lieu d’être.

Toujours j’ai gardé près de moi ce tout petit flacon métallique, vide. Son bouchon offre encore cette senteur que j’aime tant, qui aussitôt me rappelle ces années-là. Celle des fleurs blanches que j’ai, par la suite, retrouvée dans des parfums plus élaborés, de marques prestigieuses. Idem pour l’opoponax, un ingrédient très prisé dans l’industrie de la parfumerie. Mais à l’époque dont je parle, notre adolescence, nous n’en avions pas la moindre idée.

~•~

À Lannemartin toutes les deux nous avons émigré au grenier. Je n’ai pas souvenir de Papa montant nous voir dans notre perchoir. Maman passe une tête, parfois, soupire et ouvre tout grand les vasistas…

Globalement on nous fout une paix royale. On nous donne un budget pour nos fringues et nous nous débrouillons avec. Mais déjà ma sœur rechigne à acheter, à porter surtout, des trucs neufs : il faut que je les lui « fasse ».

Y compris ses 501 – on ne dit même plus Levi’s – ces jeans mythiques qui font la jambe longue et fine. Évidemment, une fois que je me suis introniculée dans un futal ainsi coupé et que j’ai souffert quelques heures, elle s’y glisse ensuite à l’aise !

J’ai toujours été étonnée de constater, en observant mes aînés et tout mon entourage, à quel point les morphologies au sein (… et toc !) d’une même fratrie diffèrent souvent.

📸 Pixabay

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