Serait-ce dans mes cordes ?
Je vous l’accorde, certains l’ont sensible, d’autres en ont d’efficaces en gorge mais ne la valent pas pour autant.
Je parlais de les pendre dans un champ d’épandage ou joyeux foutoir, champ sémantique oblige.
Le linge y pend-pan, et l’espadrille l’a pour socle.
L’accordéon n’en a que dans son nom mais ne produit pas de musique de chanvre car… l’accord a sauté !
Jongler mot pour mot en avançant sur la corde tendue.
Avec une ombrelle pour conserver son équilibre au cours des tristes traversées.
Sombre est la nuit sur la lampe-tempête, le fil se perd et s’empêtre et le plus clair de son temps file.
Au chevet des mêlées, quand la peine s’en mêle, cœur et cordons serrés, les ficelles s’emmêlent.
Pelote d’angoisses crochetées au fil des ans grossie, sanglots et crachats au fil des mois cachés, et le temps se défile.
Et les cordes au cou et les corps amaigris et les chairs qui pendent et le temps qui s’en fout.
Il faut du temps pour tout, renfiler la bobine, faire défiler le film, des idées décousues tirer le maître fil, filer la métaphore et garder tête haute si jamais le bas file.
Donner encore du fil, du bon fil à retordre, pour essorer ses larmes et se tordre de rire.
Ne garder que le temps voulu, en toute fin de parcours trop court, pour filer en douce les dénouements inespérés, comme on lâche une corde.
Sursum corda.
Ni corde ni sursauts, l’expression latine incite les cœurs bénis à s’envoyer en l’air.
Et vocaliser à s’en user les cordes vocales.
Ah, mes cordes vocales… Encore une tranche de rigolade, mais j’en ai plus d’une à mon arc : ma voix cassée vaudra un rire fêlé.
Le jour où je ne rirai plus, je n’aurai plus de voix ou je serai morte.
C’est ce qui d’ailleurs risque fort de m’arriver (mais non, pas de mourir, enfin pas tout de suite ; je parle de ma voix). Mon optimiste ORL me recommande de l’économiser (mais non, pas lui, ma voix, oh !!) :
— Vous avez des nodules sur les cordes vocales. Pour qu’ils se résorbent il faudrait que vous parliez plus doucement et même, pour bien faire, que vous parliez le moins possible.
Et, d’un ton qui me parait tranchant, il insinue :
— On peut toujours envisager l’opération, au laser, mais ce sera suivi de dix jours de silence absolu.
Et moi, émoi, souffle coupé, les yeux ronds, je risque un tout petit filet de voix bien rabioté aux entournures :
— Oh non, Docteur, je crois tout de même que ça va être difficile.
In petto en moi-même et dans mon for très intérieur je complète ma phrase : mon namoureux est un taiseux (qui nonobstant parle couramment le hmm, sans une trace d’accent – mais c’est une autre histoire, toute notre histoire en fait), alors si je ne profère plus un mot, ça va devenir vraiment caaaaalme chez nous, genre Relais du Silence.
Me voici dûment avertie.
Je vais emprunter à qui voudra me la prêter une voix – une voix monocorde évidemment, et la boucle est bouclée ! – et puis tenter de m’exprimer calmement et posément, sans m’emballer ni vociférer et surtout-surtout sans jamais-jamais par l’émotion me laisser chavirer.
Oh, ce sera tout moi, ça !!
Sont marrants, ces médecins, je vous jure. Oh pardon, on ne dit pas je jure, on dit je vous assure, je le sais pourtant, dûment chapitrée.
Souvent je pense (mais oui, ça m’arrive), sans le dire tout haut, que je n’aurais pu me faire bonne-sœur – pour différentes raisons que je n’expliciterai pas ici.
Carmélite eût été pour moi la pire des congrégations.
Je vous laisse deviner pourquoi.
Mars 2017
📸 Pixabay
Ces cordes-là me font penser à ces cordes-ci, tout droit sorties de la fine plume de mon Gégé préféré, Gérard Morel.
Voici donc :
Il PLEUT DES CORDES
Il pleut des cordes, il pleut
Le matin pointe, frileux
Bonjour as-tu bien dormi?
Il pleut des cordes de mi
Les marques de l´oreiller
Sur ta joue mal réveillée
Font joli dans ce coaltar
Il pleut des cordes de guitare
Il pleut des cordes, il pleut
Ciel houleux, temps nébuleux
Tu dis « Bougeons pas de là »
Il pleut des cordes de la
Tu dis « Vu c´qui dégringole
Faut pas qu´on aille à l´école »
Prenons ça du bon côté
Il pleut des cordes à sauter
Il pleut des cordes, il pleut
Tombe dru, méticuleux
Tu dis « Faut garder la chambre »
Il pleut des cordes de chanvre
Tu dis « Grâce à la grasse mat´
Bien au sec en nos pénates
Le temps paraîtra moins long »
Il pleut des cordes de violon
Il pleut des cordes, il pleut
Un abandon crapuleux
Commence à nous agiter
Il pleut des cordialités
Et sur l´arche langoureuse
D´une paresse amoureuse
Tout feu, tout flemme on embarque
Il pleut des cordes à mon arc
Il pleut des cordes, il pleut
Des frôlements scrupuleux
Suscitent un remue-méninge
Il pleut des cordes à linge
Ça frémit sous l´édredon
Ça se trémousse à tâtons
Ça tressaille à l´aveuglette
Il pleut des cordes d´arbalète
Il pleut des cordes, il pleut
Deux ou trois bécots moelleux
Cousus main font du vilain
Il pleut des cordes de lin
Quatre ou cinq baisers farouches
Nous mettent l´eau à la bouche
Dans tes recoins je me glisse
Il pleut, il pleut des cordes lisses
Il pleut des cordes, il pleut
Cinq ou six court-jus fielleux
Font sauter tous nos fusibles
Il pleut des cordes sensibles
Si, sous cette pluie battante,
Il fait sans doute moins trente
Sous notre couette il fait tiède
Il pleut, il pleut des cordes raides
Il pleut des cordes, il pleut
Ce petit déj´ onduleux
Nous déride, nous régale
Il pleut des cordes vocales
On savoure, se gargarise
Se gave de gourmandises
Et de délices mielleux
Il pleut, il pleut des cordons-bleus
Il pleut, il pleut des cordes
Et notre coupe déborde
De trésors faramineux
Il pleut des cordes à nœuds
Toi, ma bombe anatomique
Tes galbes académiques
Me font vibrer de plus belle
Il pleut des cordes de rappel
Il pleut des cordes, il pleut
Tu me fais tes yeux fleur bleue
Je résiste pas beaucoup
Il pleut des cordes au cou
Je faiblis, je vais craquer
Je fléchis, je suis toqué
Je flanche, je suis mordu
Il pleut des cordes de pendu
Je faiblis, je vais craquer
Je fléchis, je suis toqué
Je flanche, je suis mordu
Il pleut des cordes de pendu
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Je ne connaissais pas mais d’une certaine façon effectivement on peut dire que ces cordes se font écho. Merci Stéphane. 😊
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