Les Beatles
Nous les écoutions beaucoup à la maison. Mes parents les appréciaient. Papa se procurait leurs disques. Pas une surprise-party avec leur bande de copains sans que plusieurs de leurs morceaux ne passent sur le pick-up.
Je le savais car, aussitôt ma petite sœur endormie, je me faufilais dans l’escalier pour écouter ce qu’il se tramait du côté des grandes personnes. Parfois je me risquais à descendre et, au travers du voilage des fenêtres vitrées de l’entrée, je les regardais danser et évoluer autour du buffet. Avec les cousins à Pourgent, une de nos occupations préférées était de jouer aux espions : s’approcher le plus près possible, sans être vu, des grandes personnes affairées à leurs activités ou discussions. J’étais passée grand maître dans cet art, mais la nuit c’était encore plus amusant. L’objectif étant bien évidemment de ne surtout pas me faire repérer. Dans la journée ça les faisait rigoler ; la nuit, sans très bien savoir pourquoi, j’étais certaine qu’il en serait autrement.
Il est particulièrement intéressant d’observer un groupe de l’extérieur, c’est une habitude que j’ai prise très jeune.
Je me rappelle quand ils se sont séparés. Je parle des Beatles. Mes parents, eux, malgré des engueulades récurrentes qui décapaient tout sur leur passage, sont toujours restés ensemble… jusqu’à ce que la faucheuse intervienne. Mais c’est une autre histoire, toute leur histoire en fait.
L’annonce de l’éclatement du groupe en 1970 fit l’effet d’une bombe. Je n’étais pas bien vieille, mais je me rappelle qu’il y eut un tel retentissement médiatique et un tel écho autour de cet événement que j’avais cru à une catastrophe d’importance planétaire dont les retombées impacteraient notre quotidien. Sensation anxiogène d’un avant stable et d’un après incertain. C’est bizarre comme réaction, excessif assurément. Je me demande encore ce qui l’avait réellement motivée, pourquoi j’avais à ce point été impressionnée. Ça fait partie des questions pour lesquelles je n’aurai jamais de réponse. Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
Cela dit, cela dit, en y réfléchissant puissamment, je pense pouvoir établir un lien avec Mai 68. Quel rapport avec la séparation des Beatles, vous étonnerez-vous ? Eh bien, l’anxiété juvénile, justement. Je me rappelle Maman un matin à Lannemartin, assise dans sa chambre devant sa table de toilette, dans l’angle des deux fenêtres, nous annonçant avec des intonations de tragédienne : « Mes filles, il va peut-être se produire une révolution en France… » Moi, aussitôt, in petto et dans mon for très intérieur : « Ah mon dddddieu, on va nous couper la tête ! » Et Maman poursuivant, s’imaginant sans doute nous rassurer : « Mais, ne vous inquiétez pas, s’il y a une révolution en France, je vous prendrai toutes les trois sous mon bras – (sa quatrième fille n’était pas encore née) – et nous irons nous réfugier en Suisse chez vos grands-parents. » Moi, littéralement terrorisée, je me suis immédiatement demandé ce qu’on ferait de Papa… mais jamais je n’aurais osé poser la question… peur de la réponse, peut-être… Donc, depuis cette époque, je vivais avec l’anxiété permanente que tout éclate de notre quotidien familial. Fin de ce long aparté. Et j’en reviens aux Beatles.
En 1973 sortent les fameux albums rouge et bleu des Beatles, trois ans après la séparation des Fab Four, ce cataclysme intersidéral. Deux albums doubles qui s’ouvrent comme un livre. À l’intérieur sont imprimées les paroles des chansons, aubaine dont j’allais bientôt profiter. Chaque pochette contient une galette vinyle 33-tours. Quatre disques au total, et des heures et des heures d’écoute passionnée.
Ce sont les premiers disques que j’achète moi-même, avec mon argent de poche. Et j’en suis très fière. Avant j’ai reçu ou me suis offert quelques 45-tours, des titres qui passent dans nos soirées à nous. Papa s’y intéresse et nous les emprunte pour les leurs. Dans les années 70, décennie au cours de laquelle Guillemette et moi ne sommes plus tout le temps à la maison, commence le grand trafic des enregistrements de K7 sur nos magnétophones portables Phillips, à peine plus petits qu’une boite à chaussures. Mais oui, mais oui, c’est une tout autre époque ! Rien à voir avec la façon dont, aujourd’hui, la grande majorité des jeunes écoute sa musique préférée…
Beaucoup de disques chez nous. Nos parents ont des goûts très éclectiques, variété française ou anglo-américaine, et une très belle collection qui s’enrichit au fur et à mesure que le temps passe. Papa se tient très au courant de ce qui sort et c’est lui, le plus souvent, qui fait l’acquisition les disques de groupes ou chanteurs que tous nous apprécions.
Pour en revenir aux Beatles et à ces deux albums, je les avais emportés en Suède où j’étais partie apprendre l’anglais chez une des jeunes soeurs de Maman. Organisation d’une logique irréfutable liée à une situation familiale précise que j’ai déjà racontée ou raconterai un jour, je ne suis plus à ça près – car c’est une autre histoire, toute notre histoire en fait. Ma tante m’avait aidée à traduire les paroles, d’autant plus facilement qu’elle-même les connaissait par cœur.
Maman dit souvent qu’elle a appris l’anglais en écoutant Ella & Louis ; ma référence à moi, c’est à l’évidence les Beatles.
Moi, j’étais « Platters », alors, les Beatles, vraiment !!! Désolé !!!
Moi, cela a donc été les Platters, très dansant, et puis les Mouloudji, Reggiani, Armstrong, Bechet, Constantin, Bécaud aussi, Ma Cabane au Canada, les Compagnons de la Chanson, Edith Piaf, bien sûr, enfin, plein, mais les Beatles …et autres groupes ou single apparus après, pas vraiment attiré ..
Mais les époques et les goûts changent, bizarrement quelquefois … Et les occupations ne permettent plus aussi de porter autant d’attention à ces manifestations artistiques … Beaucoup d’autres choses aussi, sans doute !
En tout cas, jamais je n’aurais eu ces envies d’espionner « les grandes personnes » … ! Quelles chipies vous étiez !!! 😉
Rassure toi, le fils de ma compagne se conduisait un peu de la même façon, sachant s’approcher sans bruit …. !!!
En tout cas, Beatles ou pas, j’aime ces histoires que tu partages avec tes lecteurs ou followers … avec tous ces sentiments qui suintent de ci, de là, entre un mot, une phrase … !
A une autre, alors …
Philippe
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Merci Philippe. Cela me fait plaisir que tu aimes mes textes.
Moi aussi j’adore les Platters, quelles voix. Armstrong évidemment… Ella & Louis. Et puis Reggiani aussi – certains de ses titres me font pleurer, je ne peux pas m’en empêcher.
Et sinon oui, sûrement j’étais une chipie 😜
… mais une chipie gentille.
Et maintenant je ne le suis plus, absolument plus du tout… 😜😜😇
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