L’art du rien
Déjeuner au restaurant, il y a quelques années. D’un reste de coulis de framboises sur bavarois glacé maculant mon assiette j’avais, de la pointe de ma fourchette à gâteau, consciencieusement réalisé ce joli dessin. Oui, je le trouvai très joli. Plus joli du moins qu’une assiette salie. Et puis cela avait occupé, un peu, mes pensées. Un moment.
Ah, c’est qu’il m’arrive souvent, quand la conversation ne me passionne pas, de m’intéresser à tout autre chose. Ensuite je suis larguée, forcément. Et l’on me dit que je n’écoute rien, que je ne fais pas l’effort de suivre, et l’on soupire et l’on me jette un regard navré, sévère ou agacé. Que voulez-vous, c’est ainsi, j’ai du mal à canaliser mes idées et à fixer mon attention. Très vite ça file, ailleurs se focalise, c’est assez facile de le comprendre. Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait…
L’air de rien, j’avais dégainé mon téléphone pour immortaliser ma création éphémère, l’art du rien. S’il est devenu courant de photographier l’appétissant contenu de son assiette, ça l’est moins quand ladite assiette est vide.
Et pourtant personne n’avait rien remarqué de mon petit jeu, pas même la serveuse qui débarrassa avant de nous proposer des cafés. Oh, je ne m’en étais pas formalisée, j’ai l’habitude de ce style de situation.
Mais tout de même, se trouvait à nouveau illustré le même constat. Je ne suis pas la seule à ne pas toujours prêter ou même donner toute mon attention à ce que disent ou font les autres. Alors pourquoi à moi le reproche-t-on ? Cela fait partie de ces questionnements incessants auxquels jamais je ne trouverai de réponse.
Mais au fond – ou en surface – qui s’en soucie vraiment ?

📸 @LaureChevalierSommervogel