Faut que je repasse mon Bac
Un panneau humoristique retient mon attention. Un père et son écolier de fils, devant un cahier…
Le père : T’as vu ? C’est pas difficile, les maths !
L’enfant : Papa, est-ce que je vais me servir de tout ça dans ma vie ?
Le père : Bah oui ! Un jour, tu devras aider ton propre fils avec son devoir de maths.
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Je rigole.
Pourtant me revient une cohorte de souvenirs que je ne peux oublier.
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J’étais en Seconde, je me rappelle parfaitement. Pensionnaire. Un week-end, ma chère mère, à qui je demandais à quoi les maths ou même la physique servaient dans la vie — deux matières, faut-il le préciser, dans lesquelles j’étais particulièrement nulle —, m’avait répondu : « Tu en as de ces questions, je t’assure ! Ça sert par exemple, je ne sais pas, moi, ça sert à… à calculer la résistance à l’air des ailes des avions. »
Je l’avais regardée avec des yeux ronds, et in petto, en moi-même et dans mon for très intérieur j’avais décrété que je ne prévoyais pas de travailler dans l’aviation, en tout cas pas en tant qu’ingénieur. Du coup, totalement démotivée, j’avais complètement, mais alors complètement arrêté d’essayer ne serait-ce que de suivre. Je ne fichais rien dans ces deux matières, c’est à peine si j’écoutais pendant les cours.
Je ne sais pas comment j’ai réussi à passer un Bac D et surtout à l’obtenir. Qui plus est sans rien réviser. Non, rien du tout.
Honte à moi, mais la vérité m’oblige à le reconnaître : je n’ai rien révisé, aucune matière, pour mon bac. L’avoir ou pas ? Je m’étais désintéressée de la question. Que se serait-il passé si je l’avais raté ? Rien. J’étais déjà inscrite dans une école privée pour préparer un BTS, perspective qui ne me séduisait absolument pas, et le Bac n’était pas nécessaire pour intégrer cette école. Alors pourquoi me fouler ? C’est peu dire que j’étais détachée.
On soulignera à cette occasion la carence complète d’orientation dans mes études et les dégâts causés par l’absence de motivation.
Évidemment, en tant qu’aînée de quatre filles, j’étais censée donner le bon exemple et ç’aurait carrément été la honte que je rate mon bac… Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
Cela dit, je le paie encore aujourd’hui puisque à mon âge — respectable — je continue à rêver que je dois repasser mon bac, et un bac C en plus. C’est un de mes plus affreux cauchemars, qui m’assaille plusieurs fois par mois. Et moi, émoi, j’ai beau dans mon rêve me raisonner en me rappelant que je l’ai eu, mon Bac D, que ma vie professionnelle — globalement réussie — est derrière moi et que rien, non rien de rien ne m’oblige aujourd’hui à passer un bac C… queue de chique.
Enfin bref (j’adore ce mot), je pense que j’entretiens depuis toutes ces années un intense sentiment de culpabilité d’avoir obtenu mon Bac sans rien réviser : c’est ce qui provoque ce cauchemar récurrent qui vient décaper mes nuits.
Oui, c’était au millénaire dernier. De nos jours on parlerait pour un Bac D de Bac S spé Bio, et pour un bac C de Bac S spé Maths.
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Et mes fils, me demanderez-vous ?
Pour les maths et la physique, ça allait : leur père pouvait les aider — dans le cas où ils auraient eu besoin d’aide, évidemment… ce qui ne s’est jamais produit.
Mais c’est encore une autre histoire, toute leur histoire en fait.
