Si j’aime les glycines ?

Si j’aime les glycines ?

Étranges similitudes qui font, sur un coup d’oeil rapide jeté à une photo qui passe, reconnaître un lieu que l’on n’a pourtant jamais vu. Comme si c’était le même un instant transposé. Un coup d’œil assorti d’un coup au cœur, immédiat, coup ou pincement. Ces expressions sont étranges, qui évoquent la douleur quand l’effet produit est doux, presque délicieux.
Je me rappelle avoir repeint la grille, mouvement voluptueux du pinceau sur la rondeur métallique des barreaux.
La senteur enivrante de la glycine.
La chaleur du soleil, déjà, et nos rires. L’écho de nos rires.

Dans la famille nous aimons les glycines.

À Vevey, luxuriante et prolifique, elle s’étalait sur la rambarde de la terrasse, formant un premier plan parfait pour la vue exceptionnelle qui s’offrait à nous vers le Léman, les montagnes violettes sur l’autre rive du lac, et puis le ciel immense. Le soir tout se fondait dans des nuances de rose, gris et parme ô combien parfumées. La maison s’en trouvait comme drapée d’une étole à l’exubérance fleurie.

À Lannemartin sur la grille nouée, de Papa elle faisait l’immense fierté. « Mes quatre filles, ma maison, mon peuplier, ma glycine », se plaisait-il à énumérer. Et Maman d’immanquablement relever, l’air prétendument vexé : « Oh ? Eh bien je te remercie pour moi. C’est charmant. » Et lui, à l’évidence ravi, tendrement amusé d’avoir agacé sa délicieuse épouse, d’aussitôt rétorquer : « Mais sans toi, je le sais, rien de c’la je n’aurais. »

La vigueur de la végétation ne laisse de surprendre.

La vigne vierge habillant la maison, dont les couleurs changeantes marquaient les saisons, si l’on n’y veillait prenait d’assaut les volets, gagnait le bord du toit, se faufilait sous les gouttières. Impressionnante aussi, l’ardeur de l’ampélopsis enveloppant la tonnelle.
Car nous disions tonnelle quand c’était une gloriette et qu’à quelques pas de là, la tonnelle en arcade offrait ses roses rouges.

Ampélopsis et non pas vigne vierge. « Enfin… c’est différent ! Pourquoi dire un mot quand un autre est celui qui convient ? » La précision à tant pourtant si peu importe quand pour moi elle revêt une telle importance.
Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.

Aujourd’hui c’est de glycine qu’il est question.

Il fallut resceller le muret fissuré par le tronc centenaire et noueux qui ne cessait de grossir. La floraison de cette glycine-là, insolemment abondante, de plusieurs teintes colorée, durait plusieurs semaines et faisait râler les passants obligés, pour la contourner, de prendre pied sur la chaussée. Il y eut même des courriers émanant de la mairie pour demander à Papa de refréner cet envahissement floral. Ces récriminations nous semblaient dérisoires. Notre père rappelait que cinquante ans plus tôt – « Enfin, tout de même ! » – nous étions arrivés dans un village où de rues il n’était que chemins sans macadam ni trottoirs.

Au Hallot de Villiers à peine installée, j’en plantai une qui rapidement progressa, se ramifia sur les fils tendus au-dessus du muret de la moche petite cour de devant et fit vite montre d’une éclatante générosité.
Feuillages et fleurs toujours embellissent le moindre des recoins, même les plus discrets et même les plus laids.

Au Halo de Blaru – ah, ce plaisir de jouer sur les mots pour nommer notre nouvelle maison – le mur extérieur s’ornait déjà d’une imposante glycine que je doublai à l’autre extrémité. Pour faire bonne mesure j’en ajoutai une troisième au pied d’un des piliers de pierre qui soutenaient la grange.
Bientôt un fouillis magnifique en résulta, les rameaux se croisaient, envahissant de cette dépendance le toit que nous souhaitions voir se fondre dans la verdure.

Place du Vieux-René, en plein coeur d’une charmante petite ville de proche-province, selon cette mienne expression, nous effectuions notre toute première visite d’un appartement duplex débordant de charme. Sur la terrasse à colombages à l’étage nichée, une superbe glycine en pot présentait un feuillage fourni et quelques grappes denses et odorantes. C’était un signe.
Vers mon namoureux je me tournai : « Oh, je me vois très bien ici… toi aussi ? »

Dix ans après nous allions découvrir au milieu des vergers, dans un patelin d’un nom assez proche de notre patronyme (prédestination ?), une maison qu’aussitôt nous trouvâmes très à notre goût. Une gloriette couverte de roses Pierre de Ronsard apportait sa touche romantique et, à l’angle de l’abri de jardin en bois grisé, déjà bien développée, fleurissait… une glycine ! Un clin d’œil échangé avant l’éclat de rire : « T’avouerai-je que c’est précisément juste pile poil ce que j’attendais ? »

Elle est exposée plein sud et, hier, j’ai remarqué les toutes-toutes premières fleurs écloses… Bientôt sa mauve cascade nous ravira.

Et les cosses des glycines ! Je n’ai pas parlé des cosses ! Elles sont d’un très joli gris-vert, et douces, si douces que l’on pourrait les croire de velours parées.

Photos : Pixabay

Photo ©LaureChevalierSommervogel

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