Ombres portées, comptées et calculées
Les mois s’écoulent et comptent.
Les années passent et comptent.
L’âge compte aussi. Forcément.
Mais non, va, dis-toi bien que l’âge c’est dans la tête.
Tu parles. On a l’âge de ses artères. Et, plus que dans la tête, l’âge est dans le coeur.
C’est ça, c’est ça… à cœur vaillant rien d’impossible, à cœur usé tout est compté. Cœur fatigué, corps fatigué.
Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
Devenir une dame digne, moi je m’en indignais :
— Non mais, sans rigoler, tu te rends compte un peu de l’âge que je vais avoir, moi, dans cette histoire ?
— C’est ainsi, c’est la vie, souris ouistiti, répondait Guillemette qui comptait tout autant.
Le temps, les ans, les mois, l’effroi, les chiffres et moi. Et moi, émoi. Quand deux ne font plus qu’une, ou quatre plus que trois.
Et moi je compte et je recompte sur mes doigts. Certains matins j’ai mal au crâne, tristounette d’avoir ainsi compté et recompté dans ma tête et dans ma nuit.
Il y a le temps qui compte et moi qui ne compte pas. Ai-je compté pour eux qui comptaient tant pour moi ?
Je ne sais pas compter, je ne sais ni pourquoi ni pour quoi. Je n’y arrive pas ; si souvent je me trompe.
Je ne sais compter que sur moi, et puis sur mes dix doigts, mais j’ai toujours su conter. Me la raconter parfois. Tout lui conter aussi, elle aimait tant cela.
Je pourrais bien aussi raconter sur tous les tons, raconter sur tous les toits, le crier sur tous les doigts. Au risque de me faire taper dessus. Je parle des doigts, ça suffira, ça fait assez mal comme ça.
Oui, si je ne sais compter, j’adore raconter. Des contes et des comptines.
Ne me demandez ni pourquoi ni pour quoi cette graphie-là, c’est ainsi. Le français est ma langue de cœur. Comme moi, elle est capricieuse et déploie ses raisons que la raison ignore !
En voici une, comptine des familles…
Grattouillis délicieux sur les veines du poignet :
— Sur ce petit chemin, passe un petit lapin.
On se saisit ensuite, l’un après l’autre, de chacun des doigts que l’on secoue en clamant ce qu’il fait, jusqu’au dernier, le petit doigt que l’on replie vers l’intérieur de la paume de la main en lui faisant effectuer le geste indiqué dans la comptine :
— Mon premier part à la chasse !
— Mon deuxième voit un lapin !
— Mon troisième le tue !
— Mon quatrième le maaaaaange !
— Et le petit Quinquin ? Il ne lui reste rien. Alors il lèche l’assiette, il lèche l’assiette, il lèche l’assiette.
Et l’on peut recommencer avec l’autre main, c’est toujours raconter en comptant, conter sur ses dix doigts, et le temps passe ainsi sans compter.
On notera tout de même que l’histoire ne précise pas qui le saigne, le dépiaute, le vide, le démembre, le fait mariner puis le cuit, ce pauvre lapin qu’un chasseur s’en vint tuer de bon matin. Et qui prépare la sauce ? Tous ces détails qui caractérisent la fin de sa vie, ceux dont personne ne se soucie,
C’est ce qu’il y a d’agaçant, dans ces contes racontés à la va-vite, c’est cette quantité de détails pratiques qui passent à l’as.
Et pourtant, ça compte !
Mais non, on dirait bien que ça ne compte pas. Enfin, pas pour tout le monde. Pour moi, assurément, puisque j’y réfléchis.
Conte et décompte… Je ne compte cesser de raconter et d-écrire avec mes mots choisis et mes maux soignés les émaux des émouvantes émotions.
[Crédit photo : Laure Chevalier Sommervogel]
Chez nous , il y a aussi des anniversaires au mois d’Août , des joyeux et des tristes . Notre mère a cumulé les deux : le jour de son 75 anniversaire toute la famille et les amis étaient réunis à l’église pour lui dire au-revoir . Elle était doté d’ un grand sens de l’humour , c’était il y a 11 ans . Comme le temps passe !
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La mémoire et les correspondances de dates réservent leur lot de surprises, on s’étonne ou s’en enchante.
Belle journée ☀️
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