Autant de ressentis niés
Je suis quelqu’un de gentil, globalement parlant. Je le pense très franchement et j’espère l’être vraiment. Ce que je dis des gens ne vise pas à leur faire du tort, c’est seulement l’expression de mon ressenti, un ressenti qui s’appuie sur une observation et une perception des faits qui se sont produits, réellement produits. Des faits qui m’ont touchée, parfois heurtée, sinon je n’y attacherais aucune importance.
Or c’est souvent qu’on rejette ce que je relate en objectant que je me trompe – mais pas du tout, tu réagis mal, tu n’as pas compris, tu fais erreur. On m’assène des interprétations fausses, biaisées par le filtre de la personne qui les énonce et qui souvent s’entête. C’est caractéristique, d’ailleurs, presque obsessionnel, ce besoin d’avoir toujours raison. Peut-être certains s’imaginent-ils que reconnaître qu’ils ont tort les ferait choir du piédestal sur lequel ils se sont péniblement hissés ?
J’ai l’habitude de cela, depuis que je suis petite. Pourtant je sais ce que j’ai vu, je sais ce que j’ai entendu. Je sais ce que j’ai subi aussi. De même, je sais ce que je ressens quand les adultes minimisent ou contestent ce que j’exprime – enfin, quand je dis adultes, c’est comme si j’oubliais que j’en suis une maintenant, depuis le temps que j’ai t’huit ans (et demi, oui, oui…). C’est comme s’ils me niaient, moi, comme s’ils voulaient m’effacer de leur paysage. Je fais tâche, je suis encombrante, trop remuante, je ne reste pas à ma place, celle qui m’est assignée. Oh, me l’a-t-on assez reproché. Quand il faudrait la fermer, il s’en trouve toujours une pour l’ouvrir bien grand. Ne cherchez pas : c’est moi. Ça fait beaucoup d’histoires, toutes mes histoires en fait.
Pourtant je ne suis pas folle. On me l’a beaucoup dit et je l’ai bien entendu, merci. J’ai mis longtemps à le comprendre : ce n’est jamais qu’une forme de défense pour éviter d’avoir à envisager que ce que je dis puisse être exact.
Pas plus folle qu’idiote. Beaucoup entendu également. Me traiter d’idiote, je l’ai compris aussi, n’est qu’une façon de réagir à des questions qui embarrassent. Que l’on n’ait pas envie d’y répondre ou qu’on ne sache pas, plutôt que de le reconnaître, il plus facile de dire : « Mais c’que tu peux être bête, toi alors » pour me faire croire que, si j’étais plus maligne, je ne demanderais pas.
Voilà pourquoi je suis d’autant plus triste – et indignée aussi car c’est bien une forme d’indignation, c’est même susceptible de me faire sortir de mes gonds, moi qui suis toujours aaaaabsolument calme et posée (et vous avez le droit de le croire… !) – et moi, émoi, oui, je suis triste et indignée quand, si souvent, sans connaître les tenants ni les aboutissants mais tout simplement parce que ce que je dis dérange ou que l’on croit mieux savoir que moi, on commence par m’opposer que je me trompe.
Parfois le dialogue est possible, je peux alors essayer de traduire ce que je ressens et pourquoi. Avec d’autres, et je le vois très vite, c’est peine perdue, porte fermée, position campée, contradiction affirmée. Moi je ne sais pas comment faire changer d’avis quelqu’un qui refuse de se remettre en question. Inutile de s’écharper ; pour ma part je n’en vois pas l’utilité.
Que dire de ceux qui me connaissent depuis toujours et usent de cet état de fait pour affirmer tout savoir, et bien mieux que moi, de ce qui me concerne ? Pour moi qui continue à espérer que le dialogue est possible, qu’il peut du moins s’améliorer, chaque déception n’en est que plus difficile.
Alors « je laisse le petit pot couvert », « je mets mon mouchoir là-dessus », selon ces expressions qui visent à recouvrir ce qu’il faudrait évacuer. Pour autant que cela soit digéré. On risque sinon l’obstruction. Obstruction de la communication. Et l’on va mal. Métaphore filée. Échanges constipés, puis les ponts sont coupés.
Je ne parviens pas à m’y habituer. J’essaie de prendre du recul et mes distances, de laisser glisser. Mais non, c’est peine perdue, rien n’y fait. Le détachement m’arrache le coeur. Pourtant l’éloignement reste parfois la seule solution. Avec le lâcher-prise. Voilà, c’est dit, le mot est lâché ! Je ne m’en sens pas capable. Pas encore. Pourtant ces situations, aussi diverses soient-elles, importantes ou dérisoires, restent douloureuses.

[Illustration : « Butterfly », une peinture de Marina Podgaevskaia]
Le lâcher prise, voilà la solution, mais ce n’est pas si facile ! Je m’entraîne, je m’entraîne et quand j’y parviens ça marche ! C’est étonnant ! 🙂
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Alors bravo !! 😊
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