De champagne frappé elle reprend une gorgée

C’est l’histoire d’une pauvre chérie.
Pauvre, pauvre chérie.

L’appartement du Champs-de-Mars, ils n’ont pas hésité une seconde. Une affaire. Absolument. La transaction s’est faite en un rien de temps. Ils ont débloqué deux-trois trucs, mis ce qu’il fallait sur la table – oui, dessous aussi – et ils l’ont eu. Ils ont emménagé dans l’immédiate foulée. Ça lui a changé les idées, elle était tout excitée. C’est dire.

Elle a vite déchanté. Elle regrette, en fait.

Ses fenêtres donnent sur la tour Eiffel qui le lui rend bien.
Vue imprenable.
Oui, mais voilà. Elle est com-plè-te-ment illuminée.
Qui ça ? mais la Tour, voyons. C’est insoutenable.

La déprime la guette.
La déprime friquée, c’est grave, elle le sait.

Elle essaie pourtant de composer avec la réalité, de reprendre pied.
Elle ne peut décemment fermer les yeux sur tout, elle a une âme aussi : au plus profond d’elle-même elle ressent ce besoin d’empathie.
Envers les plus démunis.
Tant diffèrent leurs vies.
Elle y pense. Un moment ça l’attriste. Oui, vraiment ça l’attriste. Puis elle oublie.

Des stores occultants ?
Elle y a réfléchi. Sérieusement.
Inenvisageable.
Teeeellement commun.
Elle a mis les voiles – enfin, c’est une façon de parler. Elle a fait tendre ces voilages légers-légers. Du lin, oui, c’est très tendance.
Mais ça laisse passer la lumière.

Rien n’est jamais aaaabsolument parfait, c’est désolant.

Alors elle serre les dents.
Elle fait avec.
Ou plutôt sans.
Elle soupire, légèrement, baisse à demi ses paupières tirées.
Déterminée à tenir le coup, elle se redresse. Tête haute garder, toujours, face à l’adversité, elle a bien retenu cette nécessité.

De champagne frappé elle reprend une gorgée.

(Credit image : Messy Nessy Chic)