L’humour des rails
L’avez–vous noté ? Dans le train, depuis quelque temps, le personnel d’accompagnement, ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes, s’adresse aux voyageurs avec des accents d’une suavité pour le moins inattendue.
S’entendre par micro interposé susurrer des rappels concernant l’étiquetage de ses bagages sur ce ton confidentiel et presque intime, ça fait monter des frissons dans la nuque.
Auraient-ils suivi une formation pour poser leur voix entre deux traverses ?
Observez des temps d’attente, vous transporterez votre auditoire.
« Ça n’est qu’un Transilien qui s’arrête souvent.
Comme lui, marquez des pauses.
De loooongues pauses. »
Ainsi notre cheffe de bord ce soir imite à s’y méprendre une Macha aux intonations profondes, respiration sensuelle nettement perceptible.
Hier c’était un véritable orateur, l’employé des Chemins de Fer, il déclamait son texte et scandait ses consignes, liaisons comprises.
Que de changements… même dans un train direct.
L’autre jour encore, avec les orages que nous subissons ces temps-ci – y’a plus de saison, mes bons amis – le contrôleur expliquait que certains sièges étaient humides, le train ayant fort intelligemment été laissé en voie de garage toutes fenêtres ouvertes.
Je reconnais qu’il était drôle : tout le wagon se gondolait, il y avait de quoi se compisser… c’est du reste ce qu’il sous-entendait en précisant qu’il venait d’ouvrir les portes des toilettes.
« Toilettes dont je rappelle qu’elles sont systématiquement et réglementairement fermées à clé lorsque les trains sont à l’arrêt – un temps d’arrêt pour le suspense – car il faut bien savoir que l’on ne sait jamais vraiment ce qu’il peut se produire dans des toilettes non fermées. De l’extérieur. »
Un humoriste, je vous dis.
Bien entraîné qui plus est.
Question passage à niveau, ni frein ni marche arrière, il était en roue libre.
Laissés pour compte du Cours Florent, la Seuneuceufeu offre des débouchés.
Engagez-vous, rengagez-vous, vous verrez du pays !
Quand l’humour déraille, ça change du train-train quotidien.
C’est toujours plus distrayant qu’un malaise voyageur avec inconvénients passagers.
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